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Un peu d'histoire



Un peu d'histoire


d'hier à aujourd'hui
une aventure extraordinaire par Auguste LEBARBANCHON

 Par un bel après-midi de printemps, 10 jeunes handicapés physiques arrivent à Montebourg et prennent possession de la Maison des Œuvres mise à leur disposition par l'abbé Hurel ; ils viennent de tous les coins du département; ils se connaissent car ils font partie de la Fraternité Catholique des malades.
Qui aurait pu imaginer que cet événement, passé presque inaperçu dans la bourgade serait le point de départ d'une aventure sans précédent dans notre région?
Que s'était-il donc passé auparavant?
Tout simplement qu'une équipe de copains entraînée par Jean Salley s'était penchée sur le sort d'un handicapé de la localité : Adrien ADAM qui vivait seul avec son père, grand blessé de guerre, et n'arrivait pas à exercer son beau et noble métier de vannier. Le passage des Chiffonniers D'emmaus, la découverte de la misère, l'émouvante conférence de l'abbé PIERRE à Cherbourg en Octobre 1962 firent prendre conscience à beaucoup de gens qu'il y avait quelque chose à faire pour aider les plus souffrants. Un jour Jean Salley en parla à Roger Vallognes : Adrien ne fait-il pas partie de ces souffrants; il doit y avoir beaucoup de cas semblables qui seraient heureux de connaître une vie de foyer et de travailler comme tout le monde.
Très vite, l'idée fit son chemin et une équipe se forma pour réfléchir sur un projet de construction d'un atelier-foyer pour les handicapés, les plus défavorisés, notamment ceux qui étaient condamnés à passer leur vie à l'hospice.
Les réunions se multiplièrent ; début 1963, l'Association Normande d'Entr' aide aux Handicapés Physiques (ANEHP) était constituée. On chercha des locaux provisoires et l'on décida, sans un sous en caisse, de tenter une expérience de courte durée. l'abbé HUREL voulut bien prêter la Maison des Œuvres pour le foyer d'hébergement et un local annexe du cinéma paroissial pour l'atelier. Le Frère MERCIER, Directeur de l'Abbaye, accepta d'assurer l'intendance, des bénévoles s'engageaient à assumer les tâches quotidiennes. Tout cela improvisé pour 10 volontaires pour une période d'essai de 2 mois...
Des femmes et des jeunes filles à tour de rôle s'acquittent du ménage et des tâches matérielles, la Sœur ANGELE prend en charge l'infirmerie, des élèves de l'Abbaye se cotisent pour la location d'un téléviseur, des jeunes de MONTEBOURG sont heureux de partager des soirées avec leurs amis.
Le travail s'organise rue St-Jacques; le vannier est à son poste tandis que ses camarades (qui n'avaient jamais travaillé) s'exercent sur des travaux de cartonnage. L'ambiance est formidable et l'on aura vite fait de nommer « Joie et Travail » cet atelier-foyer.
Au fur et à mesure que les jours passent l'esprit communautaire se développe et les responsables de l'association prennent conscience qu'il leur sera moralement impossible de renvoyer à leur solitude ceux qui ont trouvé un foyer et des raisons de vivre. Alors il faut s'en remettre à la Providence et . risquer l'aventure; il faut se mettre en recherche de locaux, établir des plans, construire, et surtout trouver de l'argent...
Alerté, le Comité d'Emmaüs de Valognes accepte de laisser la majeure partie du bénéfice de la collecte des chiffonniers pour aider au financement des projets de Montebourg. Les Compagnons bâtisseurs sont à Saint-Lô, leur travail terminé ils se mettront à notre disposition pour exécuter les travaux d'aménagements et de construction nécessaires.
Ils arriveront au mois de juin accompagnés d'Albert Mesnildrey qui avait préparé leur venue et étudié avec eux un programme de travail. Sur leur conseil, on avait acheté un baraquement qu'ils remonteront dans un champ situé derrière la salle de cinéma.
Ils formeront une petite communauté installée au-dessus de l'atelier, appliquant à la lettre la règle d'Emmaüs; Maurice Lechelle en sera le responsable, «Mémère» Lepetit la dévouée cuisinière, Mlle Coeuret et Mme Heude les intendantes.
Très vite les Amis d'Emmaüs de la Manche et de la Seine-Maritime viendront leur rendre visite et souvent partager le repas avec eux. Des liens très étroits s'établirent entre la communauté « Joie et Travail » et celle d'Emmaüs; bien que les structures soient différentes, le même esprit de solidarité et de partage les réunissait.
Le chantier, dirigé de main de maître par Maurice Lechelle, avançait à grand pas. Pendant ce temps, M. Guilbert Président du Comité de Cherbourg sensibilisait de nombreux responsables d'associations, des personnalités politiques, le Président de la Chambre de Commerce de Cherbourg, le Préfet Maritime, à la cause de Montebourg. C'est ainsi qu'un jour Mme NININ, l'épouse du Sous-Préfet, vint discrètement rendre visite aux travailleurs handicapés; elle ne put cacher son émotion et mena ensuite une action très efficace envers l'association.
Le Samedi 3 Août 1963, M. Robert Buron, ancien Ministre, compagnon de l'Abbé PIERRE, inaugurait le «premier atelier pour handicapés physiques» en présence de M. le Sous-Préfet de Cherbourg et Mme Ninin, des personnalités départementales et locales.
Ce fut l'occasion pour le Président Salley de rappeler l'immense élan de sympathie et de générosité manifesté dès la première heure et de citer le Secours Catholique, les Communautés d'EMMAUS de Normandie et aussi de Suisse et de Belgique, les religieuses du Bon Sauveur de PICAUVILLE, du Bon Pasteur de VALOGNES, de la paroisse de MONTEBOURG, la Fraternité Catholique des Malades, etc...
Dans une allocution qui ne manquait pas d'humour, M. BURON déclarait: «c'est en luttant contre eux-mêmes que les hommes deviennent des hommes et c'est ce que vous avez compris ici en travaillant selon une formule provisoire et exceptionnelle, car des ateliers de réadaptation nous en avons de plus en plus, mais ce qui a toujours manqué en France dans la législation actuelle ce sont des ateliers pour ceux qui ne peuvent pas particulièrement se réadapter mais qui désirent se réaliser comme hommes et travailler ». Et de conclure: «quand on voit ici réunis toutes les personnalités qui sont venues et tous les camarades qui sont là et qui travaillent et qui se manifestent, on se dit que cette triple alliance de la volonté des hommes, du dévouement d'autrui et de la confiance en Dieu, avec ces trois sentiments là, on peut faire une vraie communauté et je pense que c'est cette communauté là que nous inau­gurons aujourd'hui à MONTEBOURG ».
Ainsi se trouvait reconnue le départ d'une action originale en faveur des handicapés physiques, action qui devait être poursuivie sans relâche.
Le lendemain, nos amis handicapés partaient en vacances à BRICQUEVILLE-SUR-MER au foyer de la Fraternité, puis à la Communauté du Bon Sauveur de BEGARD qui avec celle de PICAUVILLE avait apporté un concours généreux à l'Association.
A leur retour, ils pourront prendre possession du local qui servira pendant 8 ans d'atelier, de bureau, de réfectoire, tandis que les bâtisseurs après que l'Association eut (à la mode d'Emmaüs) squatté la salle de cinéma, travaillaient d'arrache-pied pour la transformer en foyer.
Un dimanche de Septembre, Denise LEGRIX, de passage à CHERBOURG, fit un arrêt à l'atelier qu'elle ne connaissait pas encore mais dont elle avait appris l'existence par M. SALLEY. Ses amis handicapés lui firent un accueil des plus chaleureux et à la demande des responsables, elle promit de revenir le dimanche suivant. Ce jour là, avec PAUL, Compagnon d'Emmaüs, Denise mettait au point un cycle de conférences dans les principales villes du département.
Les travaux du foyer avançaient bon train et l'on ne tarda pas à en fixer l'inauguration le dimanche 1er décembre 1963.
SAINT-LO futla première ville à recevoir Denise LEGRIX et PAUL. Le Préfet de la Manche, le représentant de l'Evêque et un nombre imposant de personnalités occupaient les premières places d'une salle archi-comble. Un quotidien local notait «à entendre parler Denise LEGRIX on est édifié et ému, ému d'un si bel exemple de lutte pour survivre; ému d'un problème dont on ne mesure pas toujours l'ampleur et l'isolement dramatique dans lequel sont laissés les handicapés ».
Les conférences qui suivirent eurent partout le même succès; on s'arrachait des dédicaces du livre de Denise LEGRIX « Née comme çà ». Le plaidoyer en faveur du foyer de MONTEBOURG trouvait un écho favorable près du public qui se montrait d'une générosité exemplaire.
Et le 1er décembre arriva...
En quelques semaines, la salle de cinéma était devenue un foyer avec sa salle à manger et sa belle cheminée en pierres réalisée par Eugène CARDET, avec sa salle de réunion, ses dortoirs au rez-de-chaussée pour les grands handicapés, tout cela peint et décoré avec beaucoup de goût.
Le Foyer «Joie et Travail» pouvait être inauguré à la date prévue et les bâtisseurs, avec une légitime fierté, n'avaient plus qu'à en remettre les clés aux futurs occupants.
En début d'après-midi, les personnalités officielles étaient reçues à l'Hôtel de Ville de MONTEBOURG par le Docteur ELIARD, Maire qui, après avoir salué M. le Préfet apportait le témoignage de la Ville à «cette œuvre exaltante, faite de l'amour de son prochain tout simplement, avec sincérité, cette sincérité qui est une des vertus dont on reconnait le plus volontiers la valeur et dont on fait le plus grand éloge ». Et le Docteur ELIARD de rendre hommage à l'Abbé PIERRE et à ses Compagnons ainsi qu'à Denise LEGRIX que le Conseil Municipal, à l'unanimité, venait de nommer «Citoyenne d'honneur de MONTEBOURG ».
Un long cortège composé de toutes les personnalités du département, des élus locaux, des responsables de l'Administration, de toutes les Associations caritatives et bien entendu des handicapés et des Compagnons d'Emmaüs et d'une foule considérable partait de la Maison des Œuvres (un symbole!) pour se rendre au nouveau foyer. Entraîné par la Musique d'ÉQUEURDREVILLE, dont le Chef Eugène CAUVIN, Ami d'EMMAUS militait pour l'Association, ce défilé pouvait paraître à la fois émouvant et un tant soi peu folklorique; en fait il était à l'image de la diversité des bonnes volontés qui, dans l'enthousiasme avaient, parfois d'une façon originale, apporté leur pierre à la construction du foyer.
Deux absences furent remarquées: celle de l'Abbé PIERRE, souffrant, et celle de Denise LEGRIX quelque part en mer, de retour d'Amérique où elle venait de recevoir le prix Lane Bryant qu'elle devait remettre le lendemain au foyer de MONTEBOURG à l'issue d'une réception en gare maritime de CHERBOURG.
Après que M. DUBOIS-CHABERT, Préfet de la Manche, qui présidait la journée eut coupé le ruban symbolique à l'entrée de la cour, la parole fut donnée à Adrien ADAM; n'était-il pas celui par qui tout était arrivé? Au nom de ses camarades, il adressa de chaleureux remerciements à tous ceux qui avaient déployé tant d'efforts en leur faveur. Il appartenait ensuite au Président SALLEY de saluer toutes les personnalités présentes et d'exprimer sa reconnaissance envers tous ceux qui, de près ou de loin, à quelque titre que ce soit, avaient pris à bras le corps le problème des handicapés et avaient permis une telle réalisation.
Dans une brillante allocution, M. le Préfet de la Manche déclarait: « Ce que vous avez fait tient en beaucoup d'efforts, beaucoup de sacrifices, entourés de beaucoup de discrétion et de modestie. Votis avez d'abord apporté aux handicapés physiques, selon votre expression, la Joie et le Travail... Œuvre humaine plus qu'humanitaire le Centre de MONTEBOURG s'inscrit désormais au capital socio-éducatif de notre département. Et nous sommes tous ici de ceux que l'inauguration de telles réalisations ne pourra jamais laisser indifférents. Il nous reste, par conséquent, et pour nous en tenir au Centre de MONTEBOURG à faire qu'il vive et que vivent, grâce à lui, dans la joie et par le travail ceux qu'il pourra accueillir. Il nous reste donc'
à participer à cette merveilleuse chaîne de l'amitié que vous avez évoquée. Pour ma part, je m'efforcerai œêtre un utile maillon de cette chaîne. Déjà, je peux vous annoncer mon intention d'agréer, à partir du 1 er Janvier 1964, le Centre de MONTEBOURG, comme CENTRE D'AIDE PAR LE TRA­VAIL afin qu'il puisse bénéficier de l'aide de l'État ».

En conclusion, le Préfet apportait à Denise LEGRIX, à PAUL et aux Chiffonniers bâtisseurs «le témoignage officiel de notre particulière et très sincère gratitude. Qu'ils sachent aussi que nous nous appliquerons à faire fructifier ce qu'ils nous ont apporté. Qu'ils sachent enfin que leur désintéressement fait aujourd'hui l'objet d'un hommage unanime, de l'hommage le plus mérité et le plus chaleureux qui soit ».
Une belle page de l'aventure de MONTE­BOURG venait d'être tournée...
D'autres s'écriraient sur le fonctionnement d'un centre qui doit sa fondation aux
«aventuriers» de 1963.

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